La data est devenue, en l’espace de quelques années, le nouveau cheval de bataille des retailers et révolutionne la relation client en optimisant toujours plus l’expérience client. Dans un contexte de digitalisation des parcours clients et sous l’impulsion des évolutions en matière de traitement et de ciblage des prospects et des consommateurs, on assiste à une convergence des différentes formes de data clients pour créer un nouvel écosystème qui est de plus en plus valorisé. Quels sont les acteurs de ce nouvel écosystème data? Quelle est leur approche? Comment les retailers intègrent-ils la data dans leur business models?
Un nouvel écosystème
Dans une étude publiée le 8 janvier 2018, Mediapost Communication, en association avec BVA Limelight, estime à 1,7 milliard d’euros le marché hexagonal de la data à usage marketing, en 2016. Ce qui représente une croissance de 6,3% par rapport à 2015 et de +26% en 5 ans.
Mediapost Communication, filiale du groupe La Poste, présent sur les métiers de la data, des media et du marketing relationnel, et la société d’étude et de conseil B to B, BVA Limelight, se sont associées pour quantifier ce nouvel écosytème data et en cartographier les acteurs.
Pour construire cette analyse du marché de la data, Mediapost Communication et BVA Limelight ont pris en compte les indicateurs suivants:
– la data à usage marketing/communication BtoB et BtoC, telles que les données individuelles susceptibles d’être utilisées pour réaliser des campagnes de communication.
– les sociétés ayant un chiffre d’affaires en France supérieur à 1 million d’euros.
Même si le marché de la data voit constamment apparaître de nouveaux acteurs apportant des solutions digitales, on constate également des mouvements internes avec le repositionnement de certains acteurs. Ces derniers en effet, tentent de créer de nouvelles opportunités de business à plus forte valeur ajoutée, soit pour sortir d’un segment en perte de vitesse, soit parce qu’ils développent des solutions qui élargissent leur champs d’intervention.
Les travaux ont permis de cartographier 293 sociétés réparties en 4 segments selon le cycle de vie de la data (certains acteurs pouvant être positionnés sur plusieurs segments selon une répartition de leur chiffre d’affaires). Les voici:
1- Vente et location de data: le plus important segment, avec 582 M€, régresse de 26% en 5 ans. Le marché du broking s’est quant à lui effondré de 61%alors même que les solutions de ciblages et la commercialisation directe de data par les éditeurs, bien qu’encore marginale dans ce marché, progressent fortement (+58% pour atteindre 30 M€).
2- Analyse et intelligence (datamining, conseil): représente 406 M€, en croissance de +79% en 5 ans, tiré par le datamining et le conseil avec respectivement +71% et +107%.
3- Diffusion et ciblage (data RTB, solutions de routage): représente 371 M€ et croit de 60% en 5 ans, dopé par la data RTB (+50%) et les solutions de routage mobile (x5). Un segment cependant terni par les solutions de routage multicanal.
4- Structuration, stockage et hébergement: qui croit de +63% en 5 ans.
Ces chiffres confirment l’accélération des moyens alloués à ce secteur devenu clé pour les acteurs du marketing et du retail. Avec la vision customer-centric, c’est le prisme-même du métier qui change, et qui transforme le classique calendrier marketing en une conversation à alimenter au fil de l’eau. Par ailleurs, cette maturité enfin acquise permet d’aligner les enjeux marketing et IT pour formaliser une vision globale du parcours client et abolir les silos dans les organisations. Ce n’est plus la marque qui décide d’un planning avec des messages à envoyer à telle date, c’est le comportement du consommateur qui déclenche l’envoi de messages contextualisés et personnalisés. C’est bien là toute l’ambition de l’inbound et l’automation marketing mais il faudra, pour les rendre opérationnels et efficaces, assurer une formation solide et en continu des équipes.
Devant l’ampleur de cet écosystème, quelle est la stratégie à adopter? Quels modèles construire autour de la data ? Comment déterminer la valeur de chaque client, et le ROI des actions mises en œuvre ?
L’industrialisation de la data
Les entreprises sont devenues relativement performantes sur le stockage de leurs données. Le data onboarding et les Data Management Platform font désormais partie du vocabulaire quotidien des retailers, leur permettant d’accroitre la connaissance client.
Dans ce contexte, les retailers sont confrontés à plusieurs enjeux. Le premier étant le défi grandissant de l’omnicanalité: toujours plus de canaux et un besoin accru d’harmoniser les messages quel que soit le point de contact et nécessitant donc de rassembler les données client sur une seule et unique plateforme.
A cet égard, la synchronisation des données issus du CRM avec les données comportementales issues de la DMP s’avère un travail indispensable. C’est effectivement le mix de données froides (CRM) et chaudes (DMP), et donc une vision holistique de chaque client, qui garantira une contextualisation pertinente des messages.
Les retailers l’ont bien compris, l’autre enjeu majeur de la data est la maîtrise de ces approches pour préparer les prochaines révolutions qui seront incarnées par les analyses prédictives, l’intelligence artificielle et le machine learning. Il est donc indispensable de ne pas prendre de retard et de bien maîtriser ses données existantes.
Enfin, dernier enjeu à respecter en matière de gestion des données, et pas des moindres, celui de la transparence et de la privacy. L’échéance de la mise en application de la loi RGDP fin mai constitue un vrai sujet pour les entreprises.
Compte tenu de l’impact de cette loi sur les pratiques et aussi de l’ampleur des sanctions en jeu, les acteurs du retail ne peuvent pas faire l’impasse sur cette question de la protection des données des consommateurs. Au-delà de l’aspect purement légal, le RGDP doit aussi être l’occasion pour les professionnels de se poser les bonnes questions : l’exigence grandissante des consommateurs en matière de transparence et de confiance doit amener les marques à revoir leurs politiques d’exploitation des données.
Il s’agit alors pour les entreprises de recentrer leurs tactiques autour de la qualité du data-management et de la valeur des messages proposés, plutôt que sur les seuls volumes d’audience atteints.
La production de contenus intelligents
Avec la meilleure maîtrise de la data, les stratégies s’affinent pour proposer aux clients des contenus adaptés au moment, au device et au besoin grâce aux techniques d’inbound et d’automation.
Il convient alors de réfléchir aux contenus en fonction de ses cibles, des profils de consommateur, des moments dans le tunnel marketing, des supports utilisés… C’est sur cette base que les marques peuvent imaginer une vision globale des stratégies de contenus tout au long du parcours d’achat en multipliant les formats, les sujets etc.
Le but étant de se constituer une banque de contenus riches, diversifiés et segmentés selon chaque situation (tunnel d’achat, historique d’achat…), chaque marché, et chaque profil de client. La marque Moët Hennessy, par exemple, a mis en oeuvre avec Adobe, une solution digitale de gestion des assets. Cet outil nommé AIR, permet de mettre à disposition des différents pays, des contenus segmentés selon les marchés.
On le voit, l’enjeu pour les marques est donc d’opter pour la bonne solution technologique qui permettra de stocker et diffuser selon les scénarios imaginés en amont, de diffuser les bons contenus sur le bon canal et au bon moment. Cette optimisation permettra de multiplier les prises de parole aux bonnes occasions et d’éviter les messages considérés comme trop intrusifs.
Affiner la contextualisation
Certaines entreprises l’ont compris, nous avons dépassé le stade de la personnalisation grossière qui consiste à afficher un prénom et un nom en en-tête de mail. Avec une meilleure gestion de la data comme vu plus haut, tout le parcours client est revisité avec un niveau de connaissance et donc d’individualisation de plus en plus fort. Les stratégies de retargeting elles-mêmes deviennent plus fines pour s’intégrer aux stratégies relationnelles.
C’est bien la contextualisation qui peut permettre, non seulement de personnaliser les contenus, mais aussi les moments auxquels on les envoie et les canaux utilisés. Si l’on détecte une intention d’achat chez un client, on peut proposer en temps réel les messages par rapport au type de produit qui l’intéresse sur le device qu’il est en train d’utiliser : l’utilisation du wi-fi ou du bluetooth en magasin physique pour envoyer un message d’information ou promotionnel selon la position du client dans le magasin est un exemple de contextualisation.
Le temps réel devient en effet de plus en plus important, notamment à cause de la part grandissante de l’utilisation du mobile. Capter l’attention des clients au moment où ils ont besoin des informations, en boutique par exemple, répondre à leurs sollicitations… autant d’exemples dans lesquels les marques doivent avoir un temps de réaction de plus en plus court. Les retailers apprennent à détecter de mieux en mieux ces micro-événements et développer les contenus associés.
Animer une conversation grâce à la data
Avec des technologies performantes de gestion de la data et une bonne compréhension des stratégies centrées client, les entreprises disposent désormais des clés pour alimenter une réelle conversation avec leurs clients tout au long de leur parcours et sur tous les points de contacts.
La relation client n’est plus seulement transactionnelle mais émotionnelle, les entreprises activant cette relation sur la durée et non plus uniquement ponctuellement par campagne. Le but est bien de rendre l’expérience toujours plus fluide et personnalisée grâce aux technologies. L’omnicanalité, avec une vision customer centric, et le temps réel permettent d’aller au bout de la logique marketing. En développant et en animant ainsi la relation, le recrutement et la fidélisation des clients ne peuvent que grandir … ce qui est finalement l’objectif n°1 des marques.
En matière de data, 2018 promet d’être une année passionnante et pleine de challenges pour les retailers. Maintenant que la première vague data et digitale est intégrée pour certains, les professionnels vont devoir perfectionner leurs approches et parfaire leur relation client.
Ils sont d’ailleurs plus de deux tiers à prévoir de dépenser davantage dans les nouvelles technologies cette année, preuves que les technologies vont représenter le challenge majeur pour booster l’expérience client.
Intéressons-nous à présent aux grands chantiers que les retailers ont ou doivent mettre en oeuvre pour optimiser la relation client grâce à la data.
Améliorer la découverte de produits sur les interfaces mobiles
Qu’ils soient pure players de l’e-commerce ou propriétaires de magasins physiques, les retailers ont tous pris conscience de l’obligation pour eux d’exploiter les interfaces mobiles pour capter l’attention du chaland et, en définitive, accroître leurs taux de conversion. En effet, les consommateurs passent désormais autant de temps, voir plus, sur les sites mobiles et applications des commerçants que sur desktop.
Cette année, des recherches sur le weekend du Black Friday au Royaume-Uni ont montré que le trafic des sites retail a été principalement généré par le mobile (55% des visiteurs contre 33% via desktop). Cependant, le revenu généré via desktop (environ 50%) est largement plus élevé que sur mobile (seulement 36%). La tendance est encore plus forte aux Etats-Unis sur la même période avec 57% des revenus générés via desktop contre seulement 34% sur mobile.
On constate donc un écart technologique entre entre les sites desktop et mobiles des e-commerçants
L’exploitation des données par l’IA pour proposer des expériences personnalisées est donc stratégique: courante sur desktop, elle est encore sous exploitée sur les sites et apps mobiles. En effet, la stratégie mobile-first semble se profiler comme la tactique gagnante pour les marques qui peuvent ainsi proposer une meilleure découverte de produits aux consommateurs grâce au potentiel de l’IA. Certains ont déjà imaginé imaginer une solution permettant d’adapter automatiquement les interfaces (UX) mobiles aux habitudes des mobinautes. La marque de luxe Diane Von Furstenberg par exemple, a adopté cette solution intelligente permettant d’effectuer une curation de contenus via la prédiction des préférences d’achat. Chaque donnée collectée via la navigation des mobinautes est analysée et exploitée pour améliorer la découverte de produits et accroître les chances de conversion.
Accélérer la digitalisation des points de vente physiques
On parle aujourd’hui de la tendance à l’omnicanalité (ou « phygitalisation ») où tous les canaux digitaux et physiques des retailers se complètent pour atteindre un seul et même objectif : une expérience client performante et l’accroissement du chiffre d’affaires.
Conscient que les points de vente physiques profitent pleinement des opportunités digitales (et vice versa), les Galeries Lafayette ont inauguré en mai 2017 un nouveau concept de maroquinerie à Cannes. En lieu et place d’un magasin physique, c’est un véritable showroom digital qui a été mis en place. Dans cet établissement, la clientèle est invitée à scanner des modèles d’exposition sur des tablettes ce qui leur permet de consulter les différentes variantes du produit disponibles à l’achat en ligne (couleurs, tailles…). Dans le même style, Zara a inauguré la semaine dernière à Londres un pop-up store dédié aux commandes en ligne dans le centre commercial de Westfield Stratford.
Le concept-store temporaire, qui sera ouvert jusqu’en mai prochain, a été lancé alors que le magasin phare du centre commercial est en cours de rénovation. Le magasin d’une superficie de 200 mètres carrés offre aux clients la possibilité d’acheter des articles en ligne pendant qu’ils sont dans le magasin mais aussi de réaliser des retours ou échanges en ligne. Grâce à des tablettes, les clients peuvent ensuite choisir de recevoir leurs commandes le jour même ou le lendemain en fonction de l’heure à laquelle ils passent leur commande. Les conseillers sont munis de terminaux de vente mobile pour permettre un encaissement rapide sans passer par la caisse.
Ici, le retailer n’a donc pas à gérer de stock local et propose tout de même au consommateur une expérience où chacun peut voir, toucher, essayer, les produits de référence. On constate bien l’association des avantages du physique et du digital qui permet de respecter, voir associer, les intérêts du retailer et de sa clientèle.
Développer le trafic des magasins avec la data
Autre stratégie d’importance à l’ère de l’omnicanalité et de la data : le drive-to-store. Permettant littéralement d’amener le client dans les enseignes physiques des retailers, il existe désormais de nombreuses façons de concevoir cette pratique. Il convient pour chaque retailer d’identifier la ou les méthodes les plus adaptées à son écosystème. Deux exemples d’approche drive-to-store:
1. La captation des données via le Wi-Fi ou le Bluetooth.
En effet les données client captées dans les stores physiques s’éveillent avec la précision du Wi-Fi ou du Blutooth.
Pour les retailers soucieux de développer une stratégie drive-to-store, l’un des enjeux principaux est encore la captation du potentiel de données que représentent leurs magasins physiques. Dans le premier cas la récolte de données des smartphones des consommateurs se fait via l’implantation de boîtier Wi-Fi en magasin, dans le second cas il se fait via les balises Beacons. Bénéfice : des données qui viennent renforcer la personnalisation des campagnes digitales en fonction de la cible et de sa position géographique.
2. Mobile : données géolocalisées, meilleures alliées des retailers
En proposant un SDK qui s’intègre aux applications mobiles des retailers, on peut déverrouiller le potentiel des magasins physiques en s’aidant des données de géolocalisation non-identifiantes. Cette solution in-app se veut légère car n’impose pas l’installation d’appareils sophistiqués en magasin et surtout est facilement utilisable pour les retailers en plus des dispositifs digitaux existants.