5 octobre 2018 Emilie Sébert

Comment réussir sa transformation phygitale?

La transformation phygitale est en marche! L’avènement du e-commerce et l’essor du m-commerce ont bouleversé la parcours d’achat et conduit les retailers à repenser le rôle du magasin. Axis Communication et Ipsos ont interrogé des consommateurs français pour comprendre leur expérience shopping idéale et aider les enseignes à imaginer les magasins de demain…

Des magasins qui doivent à la fois insuffler du digital en magasin tout en enrichissant la relation physique. En effet, cette dernière, autrefois omniprésente, est aujourd’hui une valeur à retrouver après l’industrialisation du digital. Cette transformation phygitale, Sephora a su la mettre en place. L’enseigne de produits cosmétiques qui se veut pionnière du phygital, intègre depuis longtemps des technologies du digital dans ses points de vente physiques. Dernière innovation dans le domaine, le service Sephora Plus.

1. Les expériences client attendues par les shoppers

Nous l’avons déjà annoncé dans nos articles dédiés au magasin du futur et au Smart Phygital, le magasin du futur sera phygital, expérientiel, connecté et « customer centric ». Les experts retail s’accordent d’ailleurs sur ces 4 tendances. A ce titre, Axis Communication et Ipsos* ont donné la parole aux consommateurs pour comprendre leurs besoins, leurs insatisfactions et leurs attentes en termes de parcours clients en magasin. Les résultats de cette étude visent à aider les professionnels à déterminer et prioriser les actions à mettre en place pour mettre le client au sein de leur démarche et répondre à de réels besoins.

Le magasin est avant tout une destination dans laquelle le shopper s’évade et prend plaisir. En effet, pour 30% des personnes interrogées, la visite en magasin est l’occasion de du repérage et de se promener pour 20% d’entre elles. La boutique doit être envisagée comme un lieu de vie, d’inspiration et d’expérimentation. Pourtant, ces items restent des points de faiblesse pour les magasins: les questions portant sur la présence d’espace détente, café ou encore des services à la personne, sont les plus mal notées.
L’expérience est aussi une dimension indispensable à la mise en valeur du produit. Les consommateurs attendent des enseignes qu’elles s’équipent de dispositifs pour tester les produits dans des conditions proches du réel et proposent une expérience immersive.

Parmi toutes les innovations testées, c’est celle qui arrive en tête des attentes, devant les dispositifs de réalité virtuelle type casque , peu plébiscités avec une note de 4.3/10.
Par ailleurs, nous somme encore loin du point de vente sans frictions. Dans ce domaine, les faiblesses sont encore nombreuses en ce qui concerne la fluidité du parcours en cas d’affluence et contribuent en partie au succès du e-commerce. Les clients souhaitent que le magasin s’affranchissent des points de friction en repensant le passage en caisse, l’essayage, le paiement et le retrait des produits en magasin pour gagner du temps. A ce titre, les caisses mobiles font partie du top 3 des innovations attendues. D’autres dispositifs digitaux sont également attendus comme les cabines d’essayages virtuelles. En revanche, l’étude montre que ces évolutions ne doivent pas se faire au détriment de la présence physique. Le paiement automatique sans caisse, comme ce qui a récemment été mis en place par Amazon Go, ne séduit pas les consommateurs qui l’évaluent à 3.4/10.

Dans la plupart des cas, le client souhaite être reconnu. Son parcours client doit se différencier de celui d’un consommateur lambda. Pour 56% des personnes interrogées, un client régulier devrait recevoir un traitement spécifique, « sur-mesure ». Parmi les interviewés, 48% pensent qu’un client fréquent devrait être reconnu en entrant dans un magasin dont il est membre d’un programme de fidélité.
Et pour rendre cette visite unique, plusieurs solutions sont envisagées : du V-commerce avec les assistants vocaux ou annonces vocales pour orienter les clients, aux musiques d’ambiance personnalisées à la zone, la période ou le profil des individus, en passant par les bornes d’accueil avec parcours optimisé.

C’est à ce stade de la réflexion que se pose la question de la captation et de l’utilisation de la data. Selon l’étude Axis/Ipsos, cet usage est totalement accepté par le client à condition qu’il soit justifié par un gain d’efficacité et une amélioration du parcours d’achat.
Le service joue un rôle majeur dans l’optimisation des stratégies de personnalisation. Le shopper recherche toujours autant, et peut-être plus qu’avant, la dimension humaine et l’expertise du vendeur. La perspective d’être approché par un personal shopper ou d’acheter des objets insolites, originaux et des produits sur-mesure, séduisent les consommateurs.

On le sait l’expérience ne commence pas lors de l’entrée en boutique et la notion de magasin agile et connecté n’est pas nouvelle. Pour autant elle nécessite plus d’engagement de la part des retailers. L’expérience shopping de demain doit créer un parcours sans couture entre l’expérience en ligne et physique. A cet égard, 75% des consommateurs ont cherché de l’information sur internet avant d’effectuer un achat.
Le principal enjeu réside dans la capacité de l’enseigne à connecter l’historique en ligne du client avec son parcours dans la boutique. C’est là que les retailers pourront créer de réelles opportunités de croissance.
Mais le magasin connecté se définit aussi par les outils digitaux qu’il met à disposition dans le point de vente, pour enrichir les informations ou les offres proposées. Malheureusement, ces outils aujourd’hui sont loin de combler les attentes des shoppers qui les évaluent à une note moyenne de 2.7/5.
Les consommateurs recherchent des marques qui partagent les mêmes valeurs et les préoccupations qu’eux et qui le prouvent en étant transparentes. La dimension écologique prend donc tout son sens dans les attentes du client dans le magasin du futur, qui évalue son importance à 6.2/10. La proposition d’une boutique totalement écologique est d’ailleurs plébiscitée.

2. Une transformation phygitale réussie grâce aux conseils des professionnels

On le constate, le phygital n’est pas toujours une équation évidente. Le consommateur dispose d’un immensité de choix et de canaux d’achat, et fait valoir des droits acquis à force d’habitudes prises auprès de géants du web ultra-agressifs comme Amazon : rapidité de livraison, service client instantané, frais de livraison bas et produits toujours en stock. Le tout en faisant preuve d’ubiquité : le shopper arrive souvent en magasin plus averti que le vendeur lui-même grâce aux informations collectées sur internet. Pour remettre de l’équilibre dans la relation tout en conservant la valeur ajoutée des nouvelles solutions digitales, les marques cherchent des astuces pour infuser du digital dans le physique et inversement. Voici quelques conseils d’experts pour réussir sa transformation phygitale.

OFFRIR UNE EXPERIENCE SUR-MESURE

Marie Stoclet Bardon, cofondatrice de la pâtisserie parisienne « La Meringuaie », spécialisée dans la vente de pavlovas, a mis en place un parcours d’achat digital dès l’ouverture de la première boutique : une boutique en ligne proposant la même expérience qu’en magasin et du sur-mesure avec un configurateur de pavlovas, l’option click’&collect, la livraison à domicile permettent de varier les modes relationnels avec le client.
Pour Charles-Alexandre Peretz, directeur marketing et opérations d’Atelier NA, spécialiste de costumes masculins sur-mesure depuis 8 ans, le sans-couture est un enjeu majeur. Pour la marque, le site est un lieu de prise de rendez-vous et de collecte de data : le client prend rendez-vous, renseigne ses mensurations et quelques informations sur son profil. En boutique, le vendeur, équipé d’une tablette, peut ainsi cibler les attentes du shopper.

MISER SUR LE MOBILE

Chez Auchan Retail, la transformation phygitale est un des enjeux majeurs pour enrichir l’expérience d’achat. Mais l’entreprise doit basculer le modèle économique avant. Pour innover, Auchan Retail s’inspire de l’émergence incroyable du mobile observée sur le marché chinois. Dans certains cas, les expériences mobiles et en boutique sont complémentaires, un vendeur va faire naviguer ses clients en ligne, en face-à-face.
Pour Olivier Guillet, Senior Advisor pour le cabinet de conseil FTI et ex-directeur marketing chez Promod, l’adoption d’une stratégie de marketing mobile est une opportunité de toucher la cible des millenials qui sont ultra connectés.
Et bien que les avis soient partagés sur la pertinence des applications mobiles : risque de filtrage, place disponible pour le téléchargement, celles-ci représentent un formidable gain de chiffre d’affaires sur cette cible. Les applications et leurs notifications push et offres contextualisées, ne seront conservés qu’à condition qu’elles répondent à d’autres besoin que l’acte d’achat en lui-même. La dictée et la conservation de listes de courses en est un parfait exemple, service d’ailleurs proposé par Auchan depuis son application mobile.

ATTENTION AU FANTASME DE L’HYPER-PERSONNALISATION

Bien que la personnalisation soit un enjeu majeur dans la transformation phygitale et l’expérience client, il faut néanmoins veiller à ne pas trop fantasmer. En effet, le marché n’est pas nécessairement mature. Les GAFA en particulier, aimeraient bien que les enceintes connectées à commande vocale donnent aux retailers le pouvoir de l’ultra-ciblage pour en faire de supers annonceurs.
Seul bémol : le marché n’est pas encore banalisé et l’aspect intrusif de ces assistants représentent un frein à l’achat pour les consommateurs qui voient en eux des espions. Pour Michael Miramond (IBM), la technologie est prometteuse mais il reste convaincu que tout continuera de se faire via le smartphone car celui-ci est le compagnon de tous les instants.

FORMER LES EQUIPES

Tous ces nouveaux outils de vente et supports technologiques créent une rupture dans les habitudes et les marques rêvent d’être précurseurs auprès de leurs clients. Un retard qui peut être résolu via la formation continue des équipes. Pour certaines enseignes, cela représente un important changement de culture en magasin. Chez Auchan, l’initiative est là mais la prise de conscience prend plus de temps chez les chefs de rayon et les directeurs de magasin. En effet, comment leur faire accepter qu’ils doivent , en plus de leurs chiffres, veiller à leur e-réputation, mettre les arrivages de poissons frais sur les réseaux sociaux…? Ce changement de culture d’entreprise est complexe à faire accepter aux équipes mais reste efficace.

3. Une transformation phygitale premium pour Sephora

L’enseigne de beauté multiplie depuis quelques années, les services digitaux dans ses magasins afin de créer une expérience client sans couture. L’objectif? Atteindre un niveau d’expérience et de satisfaction des consommateurs similaires entre le magasin physique et l’e-store, et ce sans point de friction. Sephora se veut d’ailleurs précurseur dans la transformation phygitale, particulièrement dans la compréhension du parcours client et la personnalisation de la relation client. D’où l’utilisation des technologies et des méthodes du digital dans ses boutiques depuis 2012.
Cette année-là, l’enseigne teste et déploie dans son réseau, « My Sephora », application activée avec la carte fidélité ou le nom de la cliente, et installée sur les tablettes des conseillers beauté. Ces derniers disposent des données CRM clés sur leurs clientes : historique d’achat et habitudes de consommation notamment, sur lesquelles s’appuyer pour leur transmettre des recommandations de produits et d’offres, ou même des conseils. Toujours dans le cadre de cette transformation phygitale, le quasi généralisé Click and Collect. Ce dispositif de retrait direct en magasin des commandes online, est déployé dans les boutiques depuis deux ans.
Mais la dernière arme secrète phygitale de Sephora, lancée il y a quelques mois, est le service Sephora Plus.

Comment ça marche? A partir de bornes connectées, la cliente, épaulée par un conseiller de vente, accède à l’ensemble du catalogue. De part la richesse de l’offre, certains produits ne sont pas disponibles en raison de la taille de l’espace. Ainsi, en cas d’absence des produits dans les présentoirs, en fonction de la capacité du magasin ou d’éventuelles ruptures de stock, les commandes passées par les clients sur les écrans digitaux, sont livrés gratuitement à leur domicile ou à l’adresse de leur choix, dans les 48 heures.
La fonctionnalité, parfait exemple de l’omnicanalité pour la marque, a été déployée fin 2017 dans les points de vente Sephora en France, dont ses boutiques « connectées », inspirées des innovations high-tech de son flagship à New York.
Regroupés sous le nom de « New Sephora Expérience », ces magasins nouvelle génération, enrichis d’outils digitaux et de marques plus confidentielles, sont une dizaine en France notamment à Nantes et Val d’Europe, les deux boutiques pilotes, mais également à Strasbourg, Montpellier et Paris Saint Lazare. Ce chiffre devrait doubler d’ici fin 2018.
Au coeur des boutiques connectées, se situe le « Beauty Hub » et sa déclinaison de services clients autour de tests virtuels de looks beauté. Ainsi, un « look book » digital offre aux clientes la possibilité de trouver l’inspiration maquillage et d’élaborer un programme de beauté personnalisé. Le « Virtual Artist » quant à lui, permet de tester sur Ipad ou miroir connecté plusieurs styles de maquillage et de produits, et de sélectionner les teintes les plus adaptées à sa physionomie. Développée avec Pantone, l’application « Color Profile » est de son côté, dédié aux choix de sa nuance de fond de teint, avec une recommandation de plusieurs références disponibles au sein de l’enseigne.
L’espace est enfin complété par un « Beauty Board », une plateforme communautaire pour liker et taguer les produits utilisés et partager ses looks sur les réseaux sociaux. Les photos des looks apparaissent également sur un écran en point de vente.
La suite de cette transformation phygitale? Sephora croit au conversationnel, toujours dans l’optique d’offrir de nouvelles expériences à ses clients. Un partenariat a d’ailleurs été mis en place entre l’enseigne de beauté et Google, sur Google Home et l’assistant Google. Au programme : la réservation d’un service beauté, maquillage ou épilation des sourcils par exemple, avec le bot conversationnel grâce à un simple « OK Google… Je veux parler à Sephora ». Egalement, la possibilité d’écouter sur Google Home deux minutes de podcast quotidien sur les secrets cosmétiques des influenceurs beauté.

Une transformation phygitale de toute beauté!

*Etude réalisée par Ipsos pour Axis Communication. Phase qualitative : 30 interviews. Phase quantitative : 500 interviews auprès d’un échantillons national représentatif de consommateurs âgés de 18 à 65 ans en France de juin à juillet 2018 (acheteurs mode, sport et beauté). Mode de recueil online.
Retrouvez l’intégralité de l’étude sur ipsos.fr.

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