15 mars 2018 Emilie Sébert

Le PICOM au service du commerce du futur

Le PICOM, pôle de compétitivité des industries du commerce organisait le 12 mars l’événement « New Shopping Experience » auquel ARCA Computing assistait. Au sein du Ministère de l’Economie et des Finances, le PICOM dont la vocation est de construire le commerce du futur, offrait une vitrine à 20 innovations inédites du commerce de demain. La journée était également dédiée à des conférences qui rassemblaient différents experts autour d’une thématique importante: comment anticiper le commerce de demain? Retour sur cette journée riche en enseignements.

1. Le PICOM, c’est quoi?

Le PICOM est un pôle de compétitivité dédié au commerce. Crée en 2006, il se positionne comme un pôle filière avec un périmètre stratégique composé de deux grands sous-ensembles économiques:
– le commerce dans toute sa diversité
– les entreprises prestataires
Le PICOM compte aujourd’hui plus de 120 entreprises parmi ses membres, dont un tiers des PME technologiques, ainsi que 15 laboratoires et instituts de recherche spécialisés dans les TIC. Aujourd’hui le PICOM est présent non seulement dans les Hauts-de-France mais également en régio parisienne.

Le PICOM se consacre à 4 missions principales:
– RASSEMBLER sur un territoire identifié et une thématique ciblée, des entreprises petites et grandes, des laboratoires de recherche et des établissements de formation

– SOUTENIR en favorisant l’émergence de projets collaboratifs de recherche et développement (R&D) qui sont le socle de l’activité d’un pôle. Les pôles sont soumis à une obligation de moyens, les résultats de la recherche des projets de R&D sont de la responsabilité des acteurs (entreprises et laboratoires) que le PICOM met en relation dans le cadre notamment dans sa fonction d’ingénierie de projets.

– PROMOUVOIR un environnement global favorable à l’innovation et à la croissance des entreprises membres des pôles, en proposant des actions complémentaires à l’offre de services existante sur le territoire du pôle.

– ANTICIPER en s’appuyant sur 2 types d’outils
. une veille partagée avec les entreprises : le PICOM dispose d’une plateforme de veille accessible par internet et publie une note hebdomadaire de veille
. des travaux d’études socio-économiques

New Shopping Experience: la vitrine technologique ouverte aux entreprises les plus innovantes
En 2010, New Shopping Experience by PICOM voit le jour et propose la création d’une vitrine de projets hybrides issus de collaborations entre entreprises de la distribution, laboratoires académiques et entreprises technologiques membres du PICOM.
L’objectif est de proposer, à travers ces partenariats, des projets innovants visant la création de nouvelles expériences de parcours clients. La valorisation des entreprises et la convergence entre les technologies permettent la dunamisation du commerce du futur.
NSE expose régulièrement sur des salons nationaux tels que Paris RETAILWEEK, le CONEXT de Lille… et s’exporte également à l’international, notamment, au CES (Consumer Electronic Show) de Las Vegas en 2015 et 2016.

2. Les tendances du retail qui changent la donne

Au cours de cet événement du PICOM, nous avons pu remarquer l’intervention d’un expert du retail et de l’expérience, Christophe Anjolras, PDG de Volcan Design. Voici les enseignements qu’il fallait tirer de son analyse du marché du retail.

Dans un contexte de baisse de fréquentation des point de vente physiques, on constate que les équilibres des business models sont profondément modifiés avec pour conséquences:
– un cycle de fermeture des magasins traditionnels comme c’est déjà le cas aux USA: entre 20 et 25% des centres commerciaux fermeront dans les 5 prochaines années. Des enseignes comme Macy’s, Kmart et JC Penneyont fermé près de 600 magasins en 2017.

– un cycle d’ouverture de magasins sur des nouveaux concepts avec une nouvelle réflexion sur le rôle du magasin dans un écosystème global. Ainsi aux USA, la balance entre l’ouverture et la fermeture des magasins est toujours positive avec +1300 magasins en 2017.

On voit donc se profiler 4 nouvelles tendances qui changent le visage du retail
– une nouvelle curation de l’offre en magasin
– une révolution VIDA: Voice, Intelligence, Data, Augmented
– Easy shopping/easy pay/easy move
– une nouvelle relation client plus émotionnelle et moins transactionnelle
Ces tendances s’expliquent principalement par un changement dans les habitudes de consommation des clients. Pour satisfaire ces nouvelles habitudes et exigences, Christophe Anjolras a plusieurs réponses.

Réinventer le magasin dans un écosystème retail global
Dans ce contexte, le magasin physique n’est plus considéré seulement comme un lieu de transaction mais également un lieu de vie et d’émotions, un espace expérientiel. Il doit être réinventé en se posant la question du rôle qu’il doit jouer.

Le géant chinois Alibaba a ainsi compris que le consommateur chinois, comme les autres, a besoin d’être rassuré sur un certain nombre de sujets comme la qualité, l’authenticité, la provenance, la fraîcheur des produits, la naturalité, le bio, le développement durable…. Le distributeur a ainsi ouvert de nouveaux concepts de magasins physiques alimentaires Hema Fresh ? De même Amazon s’est positionné sur ce segment en rachetant aux États-Unis la chaîne de supermarchés Whole Foods Market .

Ces deux pures players ont compris qu’au-delà de l’efficacité, de la profusion de l’offre, de la rapidité de livraison, les clients aspirent aujourd’hui à consommer autrement. Dans ces 2 cas, le magasin physique joue un rôle clé de réassurance sur des attentes et aspirations déterminantes dans la décision d’achat.

La vraie question est : comment réussir un point de vente qui gomme la frontière entre commerce physique et digital? Il n’y a pas de modèle unique et dupliquable. Il appartient à chaque marque de créer son propre concept et business model en fonction de son marché, de son propre écosystème et de sa propre culture.

Pour répondre à cette question, certains ont réinventé leur concept et ont fait de leur point de vente un magasin hybride (comme nous l’évoquions dans un précédent article). Voici quelques éléments de réponse:

Le magasin physique peut être un lieu d’événementialisation, de célébration ou de divertissement. Le grand magasin Le Bon marché a réussi à créer des évènements artistiques exceptionnels et spectaculaires avec les installations de l’artiste chinois Wei Wei ou de l’artiste japonaise Chiharu Shiota au coeur du magasin… L’enseigne a même réintroduit son savoir-faire originel qui était de fabriquer sur place, en installant un atelier de personnalisation de jean au sein du magasin.

Les flagships store Nike à New York, Londres ou Tokyo permettent de glorifier, d’honorer et célébrer le football ou le basketball à travers le monde. Le magasin de jouet Hamleys crée une expérience unique de divertissement avec ses «store entertainers», «party assistants» et «demonstrators» qui accompagnent les clients tout au long du parcours.

De même, quand Hermès propose à ses clients de rapporter leurs carrés pour les sur-teindre dans une laverie HermèsMatic, la marque crée un événement éphémère et ludique autour de son produit emblématique. Le concept store mythique Colette a décidé de transformer le 1er étage de son magasin en immense pop-up cette année avant fermeture définitive.

Savoir attirer les clients sur le lieu de vente
Les études le montrent : non seulement les clients se déplacent moins, mais, s’ils le font, par exemple dans un centre commercial, ils visitent en moyenne trois ou quatre enseignes au lieu de sept ou huit auparavant. L’enjeu majeur reste donc d’attirer les clients sur le lieu de vente.

Le magasin physique peut être un lieu de découverte, d’essai, de comparaison des produits et de conseil associant libre découverte et vente assistée. Le nouveau concept de magasin de Sonos à New York ou de Devialet à Hong Kong permet la découverte et l’essai des produits en autonomie avec toujours plus de confort. Certains concepts maison comme Pirch à New York ou mode comme l’Appartement de Sézane à Paris transforment le magasin en showroom sans stock disponible au retrait immédiat.
L’enseigne Décathlon par exemple, a mis au point des cabines et des bancs d’essayages connectés grâce au système de RFID.

Les nouveaux développements en réalité immersive avec casque permettent aujourd’hui de visualiser une chambre d’hôtel ou une cuisine en mode immersif en hyper réalisme et devraient transformer la façon de choisir une cuisine dans une enseigne de meuble ou de bricolage ou une chambre dans l’hôtellerie.

Le magasin physique peut également être un lieu de culture, de connaissance et d’apprentissage. Apple, dans son nouveau concept de magasin, a implanté un espace événementiel de conférence, de présentation et de rencontre appelé le Forum et a transformé le légendaire Genius Bar en Genius Grove, qui permet de rencontrer des Genius sur rendez-vous sous des arbres.

Enfin le magasin physique peut être un point de service et de conseil. Click and Collect, Click and Reserve, On Demand Delivery, Reservation and Repair. Amazon a lancé son concept de «Instant Picker» sur certains campus US avec 100 produits disponibles par retrait en casier sur le modèle des «Amazon Locker». Et plus récemment, le géant américain a gommé l’un des derniers points de frictions à savoir le paiement, avec son nouveau concept de magasin sans caisse, Amazon Go.

E.Leclerc a lancé un Drive Piéton de 50 m2 dans le centre-ville de Lille. Best Buy a lancé à New York Chloé un concept retail unique de retrait de CD, DVD, jeux vidéo et petits produits électroniques sur 35 m2 avec un robot automatisé ouvert 24/24 et 7/7.

Créer de la fluence
Il faut créer une dynamique dans les points de vente. C’est la fameuse «théorie de la fluence» selon laquelle on préfère ce qui est simple à ce qui est compliqué, mais, si les choses sont trop simples, on finit par penser qu’elles n’ont plus d’intérêt.

C’est la même chose en retail : s’il n’y a ni tension ni excitation, les clients se lassent et n’achètent pas. Il faut donc créer une tension permanente dite «positive» qui suscite l’intérêt et éveille la curiosité des clients tout en clarifiant l’offre et en facilitant l’achat. C’est tout l’art et toute la difficulté du merchandising et du retail design. C’est en cela que la dimension phygitale prend toute son importance au sein d’un point de vente.

Christophe Anjolras considèrent que les retailers sont à la croisée des chemins entre apocalypse et renaissance. Beaucoup d’initiatives ont été lancées, mais nous avons la conviction que la renaissance des magasins physiques passe par une approche merchandising & design innovante sur ces 6 chantiers clés :
– l’expression renouvelée et actualisée d’un imaginaire de marque inspirant,
– une nouvelle façon de penser la curation de l’offre,
– inventer de nouveaux concepts en terme de formats et d’emplacements,
– inventer de nouveaux scenarii de vente,
– enrichir l’expérience client de découverte, d’appropriation et d’essai des produits,
– créer et animer une communauté autour de la marque.

3. Une transformation numérique à définir pour les commerces indépendants

Cet événement organisé par le PICOM a néanmoins posé une question cruciale: comment les commerces indépendants dit les « petits commerces » peuvent-ils appréhender au mieux cette nouvelle donne et surtout cette transformation numérique dans leur secteur? En effet, au milieu des interventions de Grands Groupes comme Décathlon ou Monoprix, quelques voix courageuses ici ou là s’élevaient pour attirer leur attention sur les enjeux auxquels ils sont confrontés à leur niveau. Cette dichotomie grands groupes/petits commerçants est d’autant plus significative, que les moyens à disposition et surtout les freins à contourner sont différents.

Quelque soit le degré de maturité digitale des commerces indépendants, on peut relever 4 freins principaux qui ont été mis en exergue au cours de la journée:
– la complexité du sujet
– le manque de compétences en interne par manque de formation
– le manque de moyens financiers et donc la difficulté de mettre en place des dispositifs digitaux ambitieux qui paraissent souvent « gadgets »
– les résistances au changement en interne qui conduit à une sorte d’inertie mentale

Il s’agit donc pour les « petits commerçants », de dépasser ces freins pour mieux performer sans pour autant se comparer aux gros acteurs du retail. Il serait stérile de vouloir implanter un dispositif digital ambitieux à tout prix dans son point de vente ou calquer un concept d’un grand point de vente, sous prétexte que cela fonctionne. Ce ne serait ni pertinent ni adapté et surtout onéreux. En revanche, plusieurs étapes sont indispensables dans cette transformation numérique qui doit être adaptée au profil du commerçant:

– accepter la complexité du sujet qui est une caractéristique de l’économie numérique

– accélérer le passage à l’action en impliquant ses collaborateurs, en posant un cap stratégique et en s’appuyant sur des partenaires. En effet, partenaires, fournisseurs, donneurs d’ordres peuvent être des accélérateurs de transformation à condition de s’aligner d’un point de vue technologique et de digitaliser sa chaîne de valeur pour gagner en productivité. A ce titre, la digitalisation d’un catalogue de références ou d’une base de données clients voire la corrélation des deux, peuvent constituer de formidables outils digitaux « accessibles » pour les commerces indépendants qui seront générateurs de performances et de business

– enrichir son business model grâce à la donnée. Aujourd’hui la donnée est partout et l’un des enjeux principaux est la collecte, l’analyse et le partage de données. Bien souvent les commerces indépendants ou de proximité ont à disposition des données de première main sans avoir les outils digitaux nécessaires pour les analyser. Cette donnée est générée à tous les niveaux que ce soit sur Internet, sur une machine-outil ou via un acte de vente. Elle peut engendrer de nouvelles sources de valeur, à condition qu’elle soit analysée et exploitée au bon niveau. Tout commerçant génère de la donnée: son défi est de générer de la valeur.
La mutualisation des ressources et des données locales des commerçants peut être une réponse.

– utiliser les bons outils à bon escient. La simple digitalisation de l’existant ne suffit pas à réussir dans un contexte digital.La technologie doit être vue comme un moyen au service de 3 chantiers prioritaires: intégrer ses clients dans la création de valeur, rendre son organisation agile et travailler avec son écosystème. C’est d’ailleurs ce que nous faisons au sein d’ARCA Computing en accompagnant les PME dans leur transformation numérique.

Ainsi l’événement organisé par le PICOM, au delà de sa portée événementielle et innovante, a su mettre en avant les enjeux principaux auxquels sont confrontés les retailers aujourd’hui tout en apportant quelques réponses autour de la création de valeur, la redéfinition du rôle du magasin et du vendeur et la nécessité d’adapter les chantiers innovants à l’échelle des commerçants. Néanmoins, cet événement a mis à jour le fossé qui se creuse entre les commerces indépendants et les grands groupes. Fossé que nous, professionnels du numérique, devons combler à notre niveau, en apportant des solutions digitales intelligentes et adaptées pour construire le commerce de proximité de demain.

Pour en savoir plus sur le commerce du futur, voici un de nos articles consacré.

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