Où en est-on de la technologie Blockchain ? Est-elle pertinente pour un usage en entreprise ? Alors que la pandémie a eu un impact sur l’essor de cette technologie, selon le type de projet blockchain, la nouvelle génération permet des cas d’usages de plus en plus crédibles pour le B2B. Décryptage.
#1 La petite histoire de la blockchain
Afin de mieux comprendre les enjeux liés à la blockchain, il est important d’en rappeler l’évolution. En effet, on peut observer trois grandes étapes répondant à des objectifs différents :
– La première génération : la blockchain est généralement associée aux cryptomonnaies comme Bitcoin. C’est bien naturel, puisque ce sont ces dernières qui ont permis de faire connaître la technologie et de l’expérimenter, notamment en matière de sécurité ;
– La seconde génération : est marquée par l’arrivée d’Ethereum*. Elle a élargi les possibilités de données manipulées à tout type d’actif numérique (document, signature, propriété intellectuelle, etc.) et leur tokenisation, associée à la possibilité d’écrire des smart contracts permettant l’automatisation de transactions. Ethereum a permis la création de consortiums privés, intéressant ainsi le monde de l’entreprise et favorisant la création de cas d’usage autour de la traçabilité sur des secteurs métiers silotés ;
– La troisième génération enfin, est celle des blockchains permissionnées (Quorum, Hyperledger BESU ou Hyperledger Fabric). Celles-ci proposent une infrastructure ouverte de confiance portée par des acteurs principalement issus du monde du software comme Microsoft, JP Morgan, IBM, Intel ou Consensys. Elles ont été pensées pour le monde B2B et permettent de gérer les droits de l’ensemble des acteurs et donc de mutualiser des infrastructures et de connecter les silos.
Il convient de rappeler que l’évolution des solutions de blockchain, est très rapide, notamment en raison des gros éditeurs du marché qui se fédèrent autour de la solution Hyperledger. La pandémie du COVID-19 a évidemment eu un impact sur le développement de cette technologie : les cas d’usages et les applications se multiplient dans tous les domaines et ce, très rapidement. Le marché est estimé à plus de 4 milliards de dollars aujourd’hui et à plus de 12 milliards de dollars à horizon 2023.
Si vous souhaitez mieux comprendre cette technologie et ses fondements, je vous invite à lire notre article sur le sujet.
#2 Blockchain : les prévisions pour 2021
A quoi peut-on s’attendre en 2021 ?
Le cabinet Forrester a récemment publié ses prévisions en matière de technologie pour 2021 et voici les tendances concernant la blockchain :
Des approches plus réalistes…
Comme évoqué plus haut, la pandémie a eu un réel impact sur la blockchain, amplifiant certaines tendances déjà en cours. Alors que l’année 2020 est une année de prise en compte de cette technologie, des approches plus pragmatiques en termes d’initiatives de blockchain, se profilent pour 2021. Ceci s’explique par le fait qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir des budgets pour des projets de recherche et développement (R & D) purs – gérés indépendamment de l’entreprise.
Ainsi au niveau mondial, 30 % des projets seront mis en production. Ce nombre ne reflète pas seulement l’approche plus réaliste des projets que Forrester a constaté et la maturité croissante de la technologie, mais aussi l’accélération et le lancement de projets induits par la pandémie qui apportent des avantages mesurables sur le court terme.
Une réduction des budgets dédiés aux projets expérimentaux…
Les projets plus stratégiques sur le long terme, sont reportés à des dates ultérieures. Cela concerne en particulier les projets spéculatifs qui nécessitent des modifications de la structure du marché ou des changements de réglementation. Les entreprises en 2021 se concentreront donc sur des projets blockchain qui présentent des avantages évidents et qui permettent de résoudre des problèmes concrets notamment ceux liés à la supply chain.
Le rôle de la blockchain dans un contexte d’entreprise est au cœur des discussions…
En effet, de nombreux leaders technologiques en entreprise souhaitent explorer le rôle de cette technologie et son apport au sein d’une entreprise. Les gros titres de presse sur la finance décentralisée (DeFi) ont réactivé le débat cet été. La réassociation des blockchain publiques avec les aspects plus « Far West » des actifs de cryptomonnaie, effraie les dirigeants d’entreprises conscients de la conformité et des risques, ce qui rend difficile pour les partisans les plus ardents de l’avantage technologique de la blockchain d’aborder le sujet.
La Chine, fer de lance de l’innovation blockchain…
Dans le cadre de l’initiative chinoise de « nouvelles infrastructures », la blockchain est considérée comme partie prenante de l’infrastructure numérique du pays. Il est prévu qu’en 2021, le gouvernement chinois investisse dans la plupart des provinces dans tous les secteurs verticaux, et nous verrons un flux constant de systèmes entrer en production. Les ambitions de la Chine de fournir une infrastructure publique mondiale via son réseau mondial de blockchain ne progresseront pas beaucoup dans le climat géopolitique actuel. L’infrastructure européenne de services de blockchain (EBSI – European Blockchain Services Infrastructure) est également ambitieuse sur le sujet. Néanmoins, aucune percée majeure n’est attendue, même si l’EBSI connaîtra quelques progrès sous la forme de projets pilotes.
#3 Blockchain pour le marché BTOB : rêve ou réalité ?
Ces derniers mois ont vu l’émergence de plusieurs cas d’usage de la blockchain dans le B2B, dans les secteurs notamment de l’aéronautique, de l’agriculture et de l’industrie.
Aéronautique : la blockchain moteur de la transformation digitale
Thales, la multinationale française spécialisée dans les produits et services pour les industries de l’aérospatiale et de la défense, a décidé de se doter d’un nouveau système de gestion en intégrant la blockchain au coeur de son système. A travers la transformation numérique de son centre de production et de maintenance en Espagne, la société souhaite s’aligner sur les normes de l’OTAN et des autorités de la défense en matière de traçabilité. Ainsi « la blockchain sera utilisée pour assurer la traçabilité de toutes les pièces et de tous les produits traités dans le centre de production et de maintenance », comme l’a annoncé l’entreprise. En effet, il lui sera désormais possible de connecter efficacement tous les processus d’approvisionnement et de gestions de produits. Il est d’ailleurs prévu que les équipements de radiocommunication, aéronautiques et navals fassent partie de ceux-ci. La nouvelle plateforme permettra également d’améliorer la communication avec les clients ainsi que les opérations de maintenance.
Agriculture et industrie: la blockchain au service de la traçabilité des produits
Bayer et le spécialiste américain de la chaîne de blocs BlockApps ont annoncé, le 18 novembre dernier, le lancement de TraceHarvest, une solution blockchain ouverte à l’ensemble des acteurs du secteur agricole pour assurer la traçabilité de leurs produits, avant même la plantation des semences. Grâce à cette solution blockchain collaborative, Bayer entend assurer le suivi du cycle de vie des produits agricoles comme des graines – vente, échange, semis, récolte et transformation –, de manière à établir de nouvelles normes pour le secteur.
Dans le secteur automobile, Renault déploie actuellement une blockchain pour tracer et certifier la conformité réglementaire des composants et sous-composants d’un véhicule de la conception à la production. Ce projet nommé XCEED, implique de nombreuses parties prenantes et doit lui permettre de simplifier l’accès à ces données de conformité.
Rappelons que les véhicules sont composés de plusieurs milliers de pièces détachées devant répondre chacune à des certifications et des normes de sécurités différentes. Lorsque Renault doit accéder à l’état de conformité d’un véhicule à un instant donné, cela peut lui prendre plusieurs heures, voire plusieurs jours, le temps de contacter directement toutes les parties impliquées. Ainsi la blockchain permet à la firme française d’avoir des échanges plus directs, quasiment en temps réel…
La blockchain au service de l’économie circulaire
Autre exemple de mise en application de la blockchain et pas des moindres : l’économie circulaire.
Le groupe Suez vient de lancer sa première blockchain pour faciliter le développement de celle-ci à travers la valorisation des boues de station d’épuration comme solutions alternatives aux intrants chimiques et fossiles.
Il est important de souligner que les boues issues des stations d’épuration sont aussi valorisables pour éviter de polluer les champs avec les intrants chimiques et fossiles (pesticides, engrais, phytosanitaires…). Aujourd’hui, en France, elles remplacent la production de 6 000 tonnes d’azote de synthèse et l’extraction minière de 8 000 tonnes de phosphore. Et pour accélérer le développement de cette filière nécessaire à la transition écologique de l’agriculture, les différents acteurs de la chaîne doivent pouvoir collaborer et s’assurer d’une traçabilité totalement fiable.
Grâce à la blockchain, Suez souhaite ainsi anticiper le contexte réglementaire et s’aligner sur la loi Economie Circulaire et garantir une totale transparence de la filière.
Concrètement, comment cela fonctionnera ? Suez prévoit d’enregistrer l’ensemble des transactions des boues de stations d’épuration, de la production au retour au sol. La blockchain lui permettra de stocker et partager des données relatives à la réutilisation de ces déchets.
Quant aux agriculteurs, un portail en ligne, SludgeAdvanced, constitue un « outil de pilotage de leurs intrants agricoles, leur garantissant la qualité des boues épandues ». A la clé pour le secteur, une réduction de « l’empreinte carbone du traitement de l’eau et de l’agriculture », comme l’annonce l’industriel.
Si l’on observe le marché actuel et les tendances à venir pour 2021, les bénéfices de la blockchain sont multiples :
- améliorer la transparence
- renforcer la traçabilité pour limiter le risque de fraude
- améliorer l’efficacité opérationnelle en partageant des processus avec moins de papier ou de mails
- automatiser des processus dans des environnements régulés ou contraints
C’est donc tout naturellement que les secteurs de la chaîne logistique, de la finance, de l’agriculture, de la santé, du commerce ou des services gouvernementaux se sont emparés du sujet.
*Ethereum est un protocole d’échanges décentralisés permettant la création par les utilisateurs de contrats intelligents grâce à un langage Turing-complet. Ces contrats intelligents sont basés sur un protocole informatique permettant de vérifier ou de mettre en application un contrat mutuel.