5 décembre 2019 Emilie Sébert

Blockchain : où en est-on ?

En cette fin d’année, un état des lieux de la blockchain s’impose. Pour rappel, ce concept a été théorisé par Satoshi Nakomoto (pseudonyme) en 2008 dans son livre blanc détaillant les principes du Bitcoin. Mais à quoi sert la blockchain ? Innovation ou simple technologie banalisée ? Parce que ce terme est devenu incontournable pour les acteurs de la tech à travers diverses annonces et « innovations », ARCA Computing vous propose de faire un tour d’horizon de cette technologie, ses limites et ses principaux cas d’usages.

#1 Blockchain, quels cas d’usages ?

Il existe plusieurs cas d’usages éprouvés de cette technologie :
– le paiement
– les outils financiers
– la preuve

En d’autres termes, la blockchain, pour une entreprise, est à la fois un registre de preuves (preuves d’existences, signatures horodatées) mais permet également de réaliser des transferts d’argent, de propriétés ou d’actifs numériques en conformité avec la loi mais de manière simplifiée.
Il convient de rajouter cependant la notion de « distribution », essentielle au concept original de la blockchain. En effet le registre doit être distribué entre tous les acteurs y participant, ce qui le rend en théorie infalsifiable, par opposition à un registre centralisé (contrôlé par un ou quelques acteurs).
Quoiqu’il en soit ces cas d’usages sont particulièrement pertinents pour les fintech, legaltech ou le secteur de la regtech.

#2 Blockchain : terme galvaudé ou véritable innovation ?

A force d’être fréquemment utilisé par les entreprises qui y voient à la fois un engagement vis-à-vis de leurs clients et utilisateurs, et une excellente preuve de leur transformation digitale, le terme blockchain fait le buzz mais est quelque peu galvaudé.
Pour Gilles Cadignan – CEO de Woleet, une start-up rennaise éditrice d’une solution permettant de créer, dans la blockchain, des preuves d’existence et de signatures horodatées – la première difficulté demeure dans la compréhension même du mot. « La blockchain n’est utile que lorsqu’un environnement est hostile », rappelle-t-il.

Par ailleurs, la technologie a, depuis ses débuts, été associée au bitcoin. Même si la crypto-monnaie est le cas d’usage le plus connu de la blockchain, elle ne résume pas pour autant tous les usages potentiels de cette technologie. Pour certains experts, la mise sur le marché du bitcoin soulèvre d’autres questions comme la scalabilité ou la consommation d’énergie. Alors que la blockchain en est à sa 3ème, mais pas la dernière, génération, le bitcoin quant à lui n’est pas adaptable.

Il convient donc de mettre en place une certaine pédagogie. Pourtant, la définition même de blockchain entraîne une grande confusion au sein des entreprises mais chez les experts également. La débat se situe particulièrement au niveau de blockchain privée ou publique et les différents niveaux de sécurisation qui y sont rattachés. Spontanément, les entreprises et les utilisateurs auraient tendance à penser que la sécurité des données est garantie dans une blockchain privée. Or ce n’est pas le cas. Pour rappel, la blockchain n’a pas vocation à garantir la confidentialité de données sensibles ou d’en protéger l’accès. Ces choix sémantiques représentent une source supplémentaire de confusion.

#3 Blockchain, de la transaction à l’identité numérique

Buzz ou véritable innovation ? Certains experts s’accordent sur le fait que la blockchain, malgré son effet waou, ne constitue pas une véritable innovation. Alors que les cas d’usages se concentrent autour de la transaction, d’autres use cases devront être imaginer. Parmi les cas d’usages potentiels : la gestion d’identité. « La réappropriation de l’identité sera le gros sujet, surtout à l’heure où les Gafam cherchent à s’en emparer », explique Adli Takkal Bataille, co-fondateur et dirigeant de Catenae, une entreprise de conseil sur ce secteur. « C’est déjà une réalité dans la gestion des signatures décentralisées sur la blockchain publique », ajoute Gilles Cadignan.

Quels sont les autres challenges auxquels la blockchain sera-t-elle confrontée ?
La question du financement est majeure et impacte sérieusement les projets. « Beaucoup pensent que la blockchain est une révolution au même titre que l’IP (protocole internet), poursuit Gilles Cadignan. Or tout le monde ne peut pas utiliser la blockchain, et tout le monde ne peut pas l’utiliser de la même façon ». Certains experts pensent que la création d’une communauté permettrait de pérenniser cette technologie.

#4 Blockchain, quelques cas d’usages

Carrefour lance une blockchain dédiée au Camembert de Normandie

Carrefour croit à la blockchain. Après le poulet d’Auvergne, les tomates, les oeufs, le lait microfiltré, les pêches et nectarines, le pomelo, la poularde, les carottes ou encore le rocamadour, le Camembert de Normandie est le dernier produit Filière Qualité Carrefour (FQC) à bénéficier de cette technologie. Un cas d’usage qui peut sembler insolite mais pas dénué d’intérêt. L’objectif ? Permettre au consommateur au consommateur de bénéficier d’informations traçables telles que les noms des agriculteurs, leur localisation, quelques détails sur leurs exploitations, la date de récolte du lait et les dates de fabrication et d’expédition du produit. Dans ce cas précis, la traçabilité est assez simple. Si le lait utilisé est issu de 8 exploitations agricoles, celles-ci fournissent une seule fromagerie en Normandie, puis les produits sont fabriqués et affinés dans un site unique.

Dans le prolongement de cette annonce intervenue en septembre dernier, Carrefour prévoit un déploiement de la technologie d’ici 2022 sur l’ensemble des produits alimentaires FQC, soit 300 références.
Développée en interne, Carrefour poursuit néanmoins son partenariat avec l’écosystème IBM Food Trust pour le déploiement d’une blockchain alimentaire. Carrefour ne donne pas de détail sur l’implémentation exacte de la blockchain dans son système, ni sur son caractère décentralisé (sa répartition entre plusieurs acteurs, plusieurs sites ou plusieurs réseaux).

Dans un contexte de défiance des consommateurs, le secteur agroalimentaire doit plus que jamais montrer patte blanche. Ce dernier peut ainsi s’appuyer sur les progrès technologiques de la blockchain afin d’instaurer davantage de transparence sur l’origine et la traçabilité des produits. Récemment, c’est l’enseigne Intermarché qui a annoncé la reformulation de plus de 900 recettes de sa marque distributeur afin d’améliorer leur score sur l’application Yuka.

La blockchain utilisée pour tracer le cobalt utulisé dans les batteries électriques de Volvo

Le constructeur Volvo a annoncé le 6 novembre 2019 vouloir tracer le cobalt qui entre dans la composition des batteries lithium-ion de ses voitures électriques. Alors que cet « or bleu » provient majoritairement de la République démocratique du Congo, les conditions de son extraction sont souvent décriées car en partie réalisée manuellement et souvent par des enfants. Grâce à la blockchain, Volvo souhaite informer sur l’origine, le poids et la taille de son cobalt.

Pour assurer cette traçabilité via la technologie blockchain, le constructeur suédois a signé un accord avec ses deux fournisseurs de batteries, CATL et LG Chem.
Les données de la blockchain comprendront l’origine du cobalt, le poids et la taille, la chaine de possession et des informations établissant que le comportement des participants est conforme « aux lignes directrices de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur la chaine d’approvisionnement ». Volvo souhaite ainsi rendre son cobalt « éthique ».

Blockchain, ça ne marche pas à tous les coups…

C’est fini pour Fizzy ! L’assurance contre les annulations et retards d’avion, développée par Axa et utilisant la blockchain, a fermé. A son lancement en septembre 2017, le groupe français arguait être le premier grand groupe d’assurance à proposer une offre utilisant la technologie blockchain.
Axa s’était appuyé sur l’API de la fintech lilloise Utocat pour développer sa solution. En résumé, l’utilisateur n’avait plus besoin d’effectuer une réclamation pour un retard ou une annulation, le remboursement se faisait tout seul. Concrètement, après avoir acheté un billet d’avion, l’utilisateur devait se rendre sur le site Fizzy.Axa pour souscrire à l’assurance. La solution était connectée au trafic aérien mondial de manière à récolter les informations d’atterrissage des vols. Une fois l’information disponible dans la blockchain, le « smart contrat » prenait le relais et décidait d’indemniser le client ou non.
Pourtant pas de success story pour Fizzy. Un an après son lancement en 2017, Fizzy avait enregistré environ 11 000 polices et réalisé une centaine d’indemnisations, selon les chiffres fournies par Axa.
Depuis le 8 novembre 2019, le site affiche le message suivant : « Nous tenons à vous remercier pour ces 2 années et pour tout ce que nous avons appris à vos côtés ». Sans plus de précision sur les raisons de cette fermeture. L’assureur indique, tout de même, que les polices achetées en amont restent valables.

Source : table ronde au Fin&Tech Summit, qui s’est tenu les 8 et 9 octobre 2019 à Bordeaux.

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