17 décembre 2020 Emilie Sébert

Technologie en 2021 : quelles sont les tendances prévues par Forrester ?

L’accélération technologique sera au cœur de la stratégie des entreprises pour faire face à l’impact de la crise du COVID et répondre aux nouvelles réalités business et internes en 2021. Le cabinet Forrester a récemment publié son rapport sur les prédictions en matière de numérique pour l’année à venir.

Focus client, résilience, créativité et capacité d’adaptation seront les leviers de croissance pour les entreprises qui mettront la technologie au service de leur réussite. Cependant, elles devront concilier investissements dans le numérique et réalité économique : les budgets seront en effet passés au microscope l’année prochaine. Voici ce que réserve l’année 2021 aux entreprises et aux leaders technologiques.
Nous avons regroupé les 12 tendances avancées par Forrester en 3 grands volets : RH et travail, consommation et marketing, entreprise et données.

#1 Des pratiques de direction et de travail profondément changées

Travail à distance, augmentation des données sur les salariés, automatisation du lieu de travail… Autant de sujet portés par la technologie en 2021.

Le travail à distance atteindra +300% versus les niveaux pré-COVID.

Près de 47 % des cadres nord-américains interrogés pendant la pandémie prévoient un taux encore plus élevé d’employés à distance à temps plein, et 53 % des employés disent vouloir travailler plus souvent à domicile, même après la pandémie. La plupart des entreprises utiliseront un modèle de travail hybride, avec moins de personnes au bureau et plus d’employés à temps plein à distance. Les collaborateurs attendront de leurs entreprises une mise en place du travail à distance efficace, non plus basée sur l’exception mais sur une généralisation. Les attentes ont été redéfinies pour les responsables des ressources humaines, tout comme pour les employés. En effet la manière de recruter de nouveaux collaborateurs, évolue vers un mode « braconniers de talents », car les travailleurs les plus désirables recherchent des opportunités de travail en fonction de leur lieu de travail.
Les services RH les plus agiles,  mettront à profit leur maturité digitale pour demander de meilleurs outils d’analyse et d’action sur les données des collaborateurs ; les meilleurs des meilleurs chercheront des outils enrichis par l’IA qui optimiseront la politique RH et guideront certains employés vers de meilleurs résultats. Cela signifie plus de budget et plus de conflits potentiels entre les hauts dirigeants. Mais les RH auront un argument de taille : le principal intérêt des RH sera d’utiliser ces outils pour améliorer le bien-être des employés.

L’augmentation des données des salariés : opportunités et menaces

L’activité réglementaire et juridique liée aux atteintes à la vie privée des salariés va doubler au cours des 12 prochains mois.

Les attentes des clients, l’innovation et la pandémie modifient notre façon de travailler et alimentent l’envie des employeurs de collecter, d’analyser et de partager les données personnelles des employés. Le cabinet Forrester prévoit qu’en 2021, l’activité réglementaire et juridique concernant la vie privée des employés doublera. Alors que les régulateurs européens appliquent déjà des règles de protection des données personnelles des employés, des pays comme le Brésil, l’Inde et la Thaïlande feront bientôt de même. Aux États-Unis, alors que les pratiques et les politiques des entreprises limitent ou refusent souvent aux employés le droit à la vie privée, la bataille pour préserver sa vie privée sur le lieu de travail risque d’être menée devant les tribunaux.

Les entreprises devront adopter une approche « privacy by design » lorsqu’elles traitent les données personnelles de leurs employés. Pour ce faire, elles doivent identifier et respecter toutes les exigences pertinentes, évaluer les risques spécifiques en matière de protection de la vie privée et d’éthique, et communiquer de manière transparente avec les employés.

Le travail à distance entraîne une augmentation des menaces internes en termes de sécurité de l’information

33 % des violations de données seront causées par des incidents internes, contre 25 % aujourd’hui.

Le rapport Forrester montre que le télétravail représente une menace en termes de sécurité pour les responsables de la sécurité de l’information (RSSI) et les responsables de la sécurité et des risques. Ceux-ci devront s’adapter à cette généralisation du travail à distance. Trois facteurs majeurs entraîneront une augmentation des menaces internes, et devront être surveillés :

  • la croissance rapide du nombres de télétravailleurs, dont certains échappent aux contrôles de sécurité habituels des entreprises, en raison de la pandémie COVID-19 ;
  • l’insécurité de l’emploi des employés ;
  • la facilité à transférer les données d’entreprises volées.

Ainsi ces facteurs réunis, ils entraîneront une augmentation des incidents internes, passant de 25 % aujourd’hui à 33 % en 2021.Pour lutter contre ces menaces internes, les entreprises devront prendre en compte la vie privée des employés, l’amélioration de leur expérience de travail, la culture interne.

Le lieu de travail s’automatise grâce à l’IA

35% des entreprises vont doubler leur taux d’IA sur le lieu de travail.

Sans surprise le lieu de travail va changer en 2021 ; changement soutenu par les nouvelles technologies. Dans ce contexte, de nombreuses entreprises investiront dans l’intelligence artificielle conversationnelle, l’apprentissage machine et les progrès en matière de matériel informatique pour faciliter certains de ces changements sur le lieu de travail. Le cabinet Forrester prévoit que d’ici fin 2021, un travailleur à distance sur quatre sera accompagné par de nouvelles formes d’automatisation, directement ou indirectement. L’aide directe sera la forme la plus rare – donner un bot aux travailleurs individuels pour les aider dans leur voyage quotidien. Mais le soutien indirect va se développer, car les robots d’automatisation des processus (RPA), combinés à l’intelligence conversationnelle et à d’autres automatismes intelligents, traiteront des tâches professionnelles souvent invisibles pour le travailleur à domicile.

#2 La technologie au service de nouvelles manières de consommer et de vendre

Des clients en recherche d’évasion

La distanciation sociale incite 10 à 12 % supplémentaires des consommateurs américains à essayer la réalité étendue.

Forrester dans son rapport, dessine les contours des nouveaux ordres économiques, sociaux et culturels forgés dans le creuset de la pandémie COVID-19.
L’évasion sera au cœur des attentes des consommateurs. Cette envie sera motivée par plusieurs facteurs :

  • concilier peur et besoin
  • accomplir des tâches domestiques et professionnelles de manière simultanée
  • lutter contre le sentiment d’isolement
  • gérer les troubles politiques et sociaux.

Ainsi, les clients seront plus enclins à essayer de nouvelles formes de consommation qui promettent une ruée vers le confort, le contrôle et le bonheur – même si les expériences sont entièrement simulée.

La réalité étendue, qui comprend les technologies de réalité augmentée, mixte et virtuelle, permettra cette tendance : au quatrième trimestre 2019, 36 % des consommateurs américains avaient essayé la réalité augmentée ou virtuelle.

Le marketing va devoir se réinventer

Les dépenses consacrées au marketing de fidélisation et au retention marketing augmenteront de 30 % à mesure que les directeurs affirmeront leur contrôle sur l’ensemble du cycle de vie du client.

L’année 2020 et la crise du COVID-19 ont obligé les responsables marketing à se focaliser sur le client et plus seulement à se contenter de l’achat publicitaire et des promotions. L’approche « customer centric » n’a jamais eu autant d’importance en termes de leadership, stratégique et opérationnel. Cette approche va les obliger à se réinventer, que ce soit leur fonction en elle-même ou leurs équipes.

En 2021, le principal enjeu pour les leaders marketing va être de se concentrer sur l’acquisition de clients en leur offrant une expérience complète qui intègre toutes les étapes du parcours client à savoir : utilisation du produit, service client, fidélisation, recommandation. D’ailleurs séparer ces étapes de la phase d’acquisition est périlleuse dans les conditions actuelles. Les expériences séparées en fonction des étapes du parcours client, coûtent des millions et font perdre des clients – elles vont à l’encontre de l’approche « customer centric ». La croissance d’une entreprise devra reposer sur un parcours sans couture et donc une expérience client continue. Dans cette approche, les spécialistes du marketing s’appuieront de nouveau sur la valeur de leurs programmes de fidélisation, et passeront de programmes de récompenses basés sur la fréquence à des programmes de fidélisation à part entière.

Marketeurs B2B et acheteurs se rapprochent grâce au numérique

Plus d’un tiers des acheteurs de technologies B2B classeront les chatbots dans le top 10 des canaux d’engagement.

La crise du COVID-19 a changé le rapport des acheteurs et des spécialistes du marketing B2B au numérique. Aujourd’hui, plus d’un tiers des acheteurs de technologies B2B déclarent que les canaux d’engagement numériques (tels que les sites web des vendeurs) sont devenus plus importants dans leurs parcours d’achat, tandis qu’environ 4 sur 10 indiquent que l’engagement humain/analogique avec les vendeurs est devenu moins important. Alors que les spécialistes du marketing B2B cherchent à adopter et à optimiser de nouvelles tactiques, Forrester constate que l’intelligence artificielle est en tête de liste du martech.

Cette technologie s’est révélée efficace aux premiers et derniers stades du cycle d’achat, notamment pour les offres publicitaires personnalisées ou les recommandations automatisée pour stimuler les ventes additionnelles. Cependant, moins de 20 % des entreprises B2B utilisent l’IA pour créer des expériences conversationnelles ou pour optimiser l’engagement. Alors que les acheteurs adoptent de plus en plus les canaux numériques, les spécialistes du marketing B2B, ayant largement adopté l’utilisation des technologies de chatbot et d’assistant virtuel, sont prêts à mettre à l’échelle des conversations plus automatisées avec ces acheteurs. Pourtant, de nombreuses mises en œuvre actuelles sont encore maladroites et ne donnent rien de plus qu’un simple clic à un vendeur humain.

L’IA au coeur de la relation acheteurs/vendeurs B2B

Plus de 60 % des ventes B2B seront activés par l’IA et l’automatisation.

À mesure que les entreprises étendent leurs politiques de télétravail, que les compagnies aériennes réduisent leurs parcours de vol et que les préoccupations sanitaires prévalent, les vendeurs B2B doivent continuer à adapter leurs méthodes et à acquérir de nouvelles compétences pour réussir dans un environnement largement distant et numérique. Pour prospérer en 2021 et au-delà, ces vendeurs auront besoin d’outils pertinents pour améliorer leur productivité et s’engager auprès des prospects et des clients de manière plus significative. 57% des responsables des ventes B2B ont confié à Forrester qu’ils prévoyaient d’investir davantage dans les outils d’IA et d’automatisation au cours du prochain exercice financier. Les outils de vente qui collectent et téléchargent automatiquement les données d’activité des acheteurs et des vendeurs dans les systèmes de CRM permettront d’éviter de saisir les données manuellement.

Soulagés d’une administration interminable, les vendeurs auront le temps et l’espace nécessaires pour mener des recherches approfondies sur les clients, analyser des données et orchestrer des interactions plus significatives avec les acheteurs. À mesure que la quantité de données sur l’engagement des acheteurs augmente, l’IA peut faire apparaître des modèles, guider le vendeur vers la meilleure action suivante et identifier le canal préféré de l’acheteur.

#3 Les entreprises et leurs données : un nouveau modèle de gestion se profile

Stratégies « cloud first » et « platform » au sein des DSI

30 % des entreprises augmenteront leurs dépenses dans les domaines du cloud, de la sécurité et des risques, des réseaux et de la mobilité.

Les DSI adopteront des stratégies de type « cloud first » et « platform » pour la rapidité et l’adaptabilité, évitant ainsi de recourir à des solutions end-to-end. Les entretiens menés par Forrester avec les DSI des entreprises leaders du marché, ont révélé qu’elles collaborent davantage avec les autres organisations organisations en termes d’objectifs et de budgets, et en créant des partenariats avec d’autres entreprises IT. Ils investissent également de manière agressive dans l’EX (expérience employé), en cassant les vieilles méthodes de management et en contournant la résistance au changement au sein de l’organisation.

En fait, les DSI dont le management est axé sur l’expérience des employés (EX) aideront leurs entreprises à attirer, développer et retenir les talents qui peuvent leur procurer un avantage concurrentiel au cours d’une année critique. Ils réaliseront les investissements nécessaires pour favoriser la collaboration sociale, faciliter la recherche et l’utilisation des informations et offrir une sécurité moins contraignante. Les organisations dont les DSI sont lentes ou incapables de s’adapter auront au moins deux problèmes sur les bras :
– une attrition massive
– un enlisement dans des solutions à court terme

Le cloud au centre de la lutte contre la pandémie

Le marché mondial des infrastructures publiques en cloud connaîtra une croissance de 35 %, pour atteindre 120 milliards de dollars en 2021.

L’impact de la pandémie mondiale sur le lieu de travail a montré que le cloud computing était nécessaire pour l’économie et les travailleurs. Sans les applications, les outils et les services du cloud computing, les entreprises n’auraient pas pu renvoyer des millions de collaborateurs chez eux, maintenir les chaînes d’approvisionnement mondiales ou modifier les modèles économiques de toute une industrie en quelques semaines. La ruée vers le cloud durant la pandémie a également mis en évidence les contrastes frappants entre les entreprises qui adoptent les technologies du cloud et celles qui y ont résisté ou les ont sous-financées. L’adoption agressive du cloud, qui se déroulait déjà à un rythme soutenu avant la pandémie, atteindra son apogée en 2021, entraînant une adoption encore plus importante par les entreprises, des revenus pour les fournisseurs de cloud et une valeur commerciale encore plus importante en 2021.

Les changements apportés par le COVID-19 ont forcé les entreprises à privilégier la vitesse et l’expérience client plutôt que les économies et l’efficacité – et elles ont afflué plus vite que jamais vers les services publics en cloud. Quelques exemples probants, montrent la vitesse à laquelle certaines entreprises ont adopté le cloud :

En pleine pandémie, les quatre plus grands clouds publics ont maintenu une très forte croissance de leurs revenus :

  • AWS : 29% ;
  • Microsoft Azure : 47% ;
  • Google Cloud : 43% ;
  • et Alibaba : 59%),

Forrester prévoit que le marché mondial des infrastructures publiques dans le cloud augmentera de 35 % pour atteindre 120 milliards de dollars en 2021 et qu’Alibaba Cloud sera le troisième revenu mondial, après AWS et Azure.

L’Edge computing est le nouveau cloud

Les nouveaux fournisseurs de services Edge réduiront de 5 points la croissance du Cloud public.

L’edge computing consiste essentiellement à rapprocher l’informatique du lieu où les données sont générées et où il est possible d’agir sur les données. En 2020, les décideurs en matière de mobilité dont les entreprises ont mis en place l’edge computing, ont déclaré à Forrester que la collecte de données à partir d’appareils mobiles en était le principal avantage. En 2021, Forrester prédit d’ailleurs :

  • l’émergence de nouveaux modèles commerciaux qui faciliteront le déploiement de l’edge computing,
  • que les plateformes de cloud computing déploieront de gros efforts pour être compétitives,
  • l’émergence de l’IA et de la 5G qui faciliteront l’expansion des cas d’usage de l’edge computing.

Toutes ces nouvelles activités et tous ces nouveaux investissements verront l’edge computing se greffer sur la croissance des clouds publics. Les fournisseurs de cloud public à grande échelle ont connu une croissance fulgurante pendant une décennie, mais cette croissance va naturellement diminuer, passant d’un énorme 42 % en 2018 à 24 % d’ici 2022, selon les prévisions, à mesure que le marché arrivera à maturité.

Comment expliquer ce phénomène ?
Tout d’abord, il faut savoir que les grands fournisseurs tels que Dell, HPE, IBM et Intel doublent leur part de marché avec des solutions de type « cloud » qui peuvent être déployées n’importe où.
Deuxièmement, les réseaux de diffusion de contenu et les fournisseurs de datacenters en colocation offrent des services edge computing à travers des centaines ou des milliers de points de contact, ce qui aide les systèmes d’entreprise à être plus réactifs et contextuels.
Enfin, le marché de l’innovation edge s’intensifie : les investissements en capital-risque ont été plus nombreux au premier trimestre 2020 qu’en 2019. Au cours des trois prochaines années, les acheteurs vont réorienter leurs stratégies de cloud computing vers l’edge afin de capter toute cette innovation et de se connecter davantage. Si les clouds publics joueront un rôle, Forrester ne pense pas qu’ils domineront, car leur culture repose sur d’énormes datacenters et un contrôle étroit de l’architecture – l’exact opposé de ce dont les entreprises ont besoin pour servir leurs clients localement.

La crise terminée, un nouvel ordre s’installe.
Après les bouleversements soudains et profonds de 2020, un nouveau paysage émerge. Les leçons durement acquises en matière d’adaptabilité, de créativité et de résilience continueront à servir aux entreprises pour faire face aux changements en cours. Aucun secteur ni aucune entreprise ne sera épargné par la transformation des méthodes de travail, de direction et de service à la clientèle.